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GODAN Action : un projet pour apprendre à tirer le meilleur des données

Leviers utilisés par GODAN Action pour le renforcement des capacités.

© CTA

C'est aujourd'hui une évidence : la donnée est un puissant levier, capable d'aider l'agriculture à relever ses principaux défis. Toutefois, beaucoup trop d'acteurs du secteur connaissent encore des difficultés pour accéder à ces données spécifiques, mais aussi pour les interpréter. Le projet GODAN Action vise à améliorer cette situation.

La révolution digitale a ouvert un monde d'opportunités pour l'agriculture. La pénétration rapide de l'internet, le développement de la téléphonie mobile et la baisse des coûts du matériel informatique stimulent l'innovation. Il est désormais possible de créer des écosystèmes agroalimentaires durables qui permettent la production d'aliments de bien meilleure qualité. Au-delà, l’agriculture moderne favorise l'amélioration globale du niveau de vie des petits exploitants, l'inclusion des femmes et des jeunes ainsi que la création d'emploi sur l'ensemble de la chaîne de valeur.

De la productrice de café ougandaise, qui utilise son téléphone pour vendre sa production en ligne, au jeune entrepreneur zambien souhaitant lancer sa propre exploitation, nombreux sont les acteurs de l'agriculture à pouvoir utiliser le numérique comme tremplin. Le développement d'outils numériques solides et efficaces est cependant conditionné à un impératif : l'accès à des données fiables et de qualité (sur les conditions météorologiques, l'administration foncière, l'occupation et la santé des sols, les marchés, les ravageurs et les maladies, etc.). Ces ressources sont disponibles dans un spectre allant des « données propriétaires » aux « données ouvertes ». Une donnée ouverte est une donnée dont l'accès et l'usage sont laissés libres à tous. Plus les données répondent aux critères FAIR (findable, accessible, interoperable, reusable, c'est-à-dire localisable, accessible, interopérable et réutilisable), plus elles seront bénéfiques au développement agricole.

Un rapport des Nations unies a dernièrement mis en lumière la nécessité pour les gouvernements comme pour les citoyens de s'intéresser de plus près à la culture de la donnée, essentielle pour dépasser certaines barrières. Dans cette optique, le projet GODAN Action, mis en œuvre par le CTA, cible de potentiels utilisateurs (p. ex. des chercheurs, des professionnels des TIC, des journalistes ou des décideurs politiques) afin de les sensibiliser aux atouts des données ouvertes dans l'élaboration de solutions concrètes pour relever les principaux défis agricoles et nutritionnels.

Le renforcement des capacités, un objectif prioritaire

GODAN Action est un projet ambitieux qui a défini en amont plusieurs objectifs :

  • améliorer la fourniture de services par les entreprises qui utilisent des données ouvertes dans le domaine de l'agriculture et de la nutrition ;
  • soutenir les petits exploitants, les communautés de pratique, les entreprises et d'autres acteurs du secteur dans l'accès et l'usage des données ;
  • créer des entreprises dont les activités sont centrées sur l'usage de la donnée ;
  • améliorer la transparence entourant les choix des décideurs ;
  • renforcer la fiabilité des processus décisionnels et des politiques qui en découlent.

La phase de lancement de GODAN Action, financée par le ministère britannique du Développement international, a permis de répertorier les bonnes pratiques existantes en matière d'usage de données ouvertes et d'élaborer un plan d'action pour le renforcement des capacités incluant des modules thématiques pour les données météorologiques, terrestres et nutritionnelles.

Durant cette première phase, plusieurs leviers ont été utilisés afin de promouvoir la formation et le renforcement des capacités. Les ateliers ont notamment connu beaucoup de succès : ils ont débouché sur des requêtes pour des formations supplémentaires et la possibilité de suivre un apprentissage continu. Des ateliers ont été organisés au Botswana, en Equateur, au Ghana, au Kénya, au Rwanda, en Afrique du Sud, en Tanzanie, en Ouganda, aux Etats-Unis et au Zimbabwe. Plus de 200 infomédiaires, chercheurs et décideurs ont participé aux huit sessions organisées jusqu'à présent en Afrique. Cette approche sous forme de rencontres présente de nombreux avantages : la possibilité d'adapter le contenu pour une audience cible ; des interactions renforcées entre formateurs et participants ; l'intensification de l'apprentissage entre pairs grâce aux échanges de connaissances et d'expériences sectorielles.

De nombreux participants à ces ateliers présentiels ont ensuite assisté à une formation gratuite en ligne de quatre semaines. Elle a permis de toucher un éventail très large d'utilisateurs et de gestionnaires de données ouvertes : 4 448 personnes originaires de 148 pays ont déjà suivi ce programme qui aborde différents aspects relatifs aux données ouvertes et à leur utilisation – principes de base, usage, exposition, partage, autorisations.

Par ailleurs, un réseau de formateurs, composé de 94 professionnels venus de 24 pays, a été mis en place pour assurer la poursuite des ateliers présentiels et encourager l'adoption du matériel didactique. Depuis 2007, des ateliers locaux sont organisés dans cinq pays d'Afrique. Ils ont permis de former plus de 200 infomédiaires.

Enfin, des webinaires mensuels, initiés avec le soutien du secrétariat de GODAN, se sont révélés efficaces pour atteindre un large public tout en engageant de nouvelles collaborations avec des communautés et réseaux utilisant les données ouvertes. Une grande variété de thèmes étaient au programme, avec des sujets concernant les données agricoles (comme la gestion des données foncières ou la nutrition) et d'autres abordant les problématiques sociétales (comme le lien entre le genre et les données ouvertes). Ces webinaires ont aussi été un moyen d'inciter les praticiens et professionnels à rejoindre le groupe de travail GODAN sur le développement des capacités afin qu'ils puissent partager leurs conclusions.

Evaluation de l'impact

Le projet évalue actuellement son efficacité quant à sa capacité à aider les individus à mieux utiliser les données ouvertes. Boniface Akuku, responsable des TIC au sein de l'organisme de recherche KALRO (Kenya Agriculture and Livestock Research Organization), est un membre actif du réseau de formateurs. Il a déjà initié plus de 90 personnes dans son pays. « Les compétences des chercheurs comme du personnel technique, dans la compréhension et l'usage des données ouvertes, ont été renforcées. D'une manière générale, les chercheurs disposent dorénavant des moyens nécessaires pour accéder aux sources d'information et travailler efficacement sur les données, à l'échelle locale et internationale, explique-t-il. La diffusion des connaissances issues de la recherche par le biais des TIC a déjà prouvé son efficacité auprès de nombreux agriculteurs kényans. Partant de ce constat, la KALRO a donc élaboré une politique pour les données ouvertes et développe en parallèle une plateforme Big Data basée sur le cloud. L'organisation utilise également des technologies innovantes afin d'exploiter au mieux les jeux de données disponibles, et les mettre au service de l'agriculture et de la nutrition au Kenya. »

Alfred Mwaura, agent de vulgarisation, apporte aussi son témoignage. Il utilise les compétences acquises grâce aux formations en ligne pour exploiter des données relatives à des caféiculteurs, des meuniers ou des acheteurs. « J'ai mis en place un marché ouvert pour les petits producteurs de café, précise-t-il. Les données ouvertes aident à obtenir de meilleurs prix au profit des caféiculteurs kényans. Elles sont donc un instrument de lutte contre la pauvreté. »

Quant à Natasha Mhango, responsable de l'information et des publications agricoles au ministère zambien de l'Agriculture et de l'élevage, elle met également à profit les connaissances engrangées afin de rédiger des articles bien documentés sur les enjeux de l'agriculture et de la nutrition. Ces contributions sont publiées dans un bulletin d'information hebdomadaire destiné aux agriculteurs ainsi que sur un blog. « Mes articles ont gagné en crédibilité, confie-t-elle. Désormais, je peux en effet appuyer mes propos avec des statistiques pertinentes et d'autres données provenant de sources fiables. »

De la nécessité d'aller encore plus loin

Les partenaires de développement, le secteur privé, le monde de la recherche et les réseaux universitaires mobilisent de plus en plus les données ouvertes au bénéfice de l'agriculture. Nous constatons également une forte demande au niveau des formations sur le sujet et il faut donc continuer à investir dans cette voie. Toutefois, il est encore possible de faire plus pour aider les citoyens et acteurs du secteur à relever les défis actuels de l'agriculture et de la nutrition. Les gouvernements ont ici un rôle clé à jouer en déterminant les cadres qui favoriseront la transparence et la mise en place de l'infrastructure nécessaire à un usage efficace des données ouvertes dans le secteur.

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