Le CTA et l’Université de Wageningen ont mis au point un nouveau modèle pour soutenir les initiatives agricoles et l’esprit d’entreprise, ce afin d’améliorer les possibilités offertes aux jeunes dans le secteur de l’agriculture. Cet article examine les projets qui bénéficient de ce modèle.
Le métier d'agriculteur est reconnu pour être difficile. Beaucoup de jeunes ne souhaitent plus reprendre les exploitations parentales. Toutefois, certains membres de cette nouvelle génération identifient aussi des perspectives dans le secteur : l'émergence d'une classe moyenne avec un pouvoir d'achat plus fort et de nouvelles préférences alimentaires, des liens qui se resserrent entre zones rurales et urbaines grâce à l'amélioration du réseau routier et des transports, et l'avènement des nouvelles technologies et du numérique – ce que l'on appelle l’ « économie du savoir ».
Les initiatives et innovations doivent être encouragées pour deux raisons essentielles. Premièrement, le secteur agricole doit évoluer avec son temps : il faut repenser les pratiques traditionnelles avec de nouvelles idées et créer des opportunités économiques. Deuxièmement, parce qu'il est encore plus fondamental d'assurer la sécurité alimentaire d'une population toujours plus nombreuse et de soutenir les écosystèmes dont nous dépendons. Afin de relever ces deux défis étroitement liés, le CTA et l'Université de Wageningen (WUR, Wageningen University & Research) se sont rapprochés. A l'aide des contributions d’une communauté de pratique coordonnée par AgriProFocus, ils ont élaboré un cadre pour l’emploi et l’entrepreneuriat des jeunes dans les systèmes agroalimentaires : le modèle « push-pull ».
Ce cadre évalue les facteurs qui peuvent influencer l'engagement de la nouvelle génération dans un travail d'innovation autour des systèmes alimentaires. Concrètement, ce document de six pages incite les praticiens à déterminer les besoins des jeunes pour qu'ils puissent trouver ou créer de l'emploi dans le secteur de la production et de la transformation agricoles : il s'agit du facteur « push ». Ont également été identifiés les changements à mettre en œuvre dans les secteurs financier, privé et public afin de rendre l'agriculture et les systèmes alimentaires attractifs aux yeux de ces mêmes jeunes : il s'agit du facteur « pull ». Le modèle est illustré dans le schéma ci-dessous. Modèle et texte seront amenés à être retravaillés dans le but d'élaborer un guide pratique à partir de ce cadre général.
Comment le modèle peut-il aider à encadrer et documenter la pratique ? Les cinq cas suivants précisent les types et les domaines d'intervention. Les projets 1, 3 et 5 sont financés par le CTA. Les projets 2 et 4 sont, eux, gérés par la WUR.
Pitch AgriHack
Le concours Pitch AgriHack, dont c'est la 4e édition en 2019, fait partie du projet AgriHack Talent qui vise à identifier et soutenir les start-up agritech innovantes au sein des pays ACP. Bien que les premières initiatives reposant sur les TIC pour le développement remontent à plusieurs années, le numérique n'a que récemment pénétré le secteur agricole pour redessiner les services, la production, la transformation et le financement. Sur les 104 demi-finalistes du concours 2019, 22 projets participants ont été retenus - dont la moitié portés par des femmes ; les sept lauréats seront désignés lors du Forum pour une révolution verte en Afrique, organisé chaque année en septembre. Les vainqueurs recevront une prime pouvant atteindre 15 000 € ainsi qu'un soutien pour la promotion et le développement de leur projet. Jusqu'à ce jour, 30 start-up agritech, issues de 40 pays, ont bénéficié de ce programme.
HortiFresh
Ce programme, imaginé pour le secteur maraîcher au Ghana, implique des petits exploitants, des start-up, des moyennes et grandes entreprises du pays. La jeunesse est un thème transversal à l’ensemble des interventions. L'objectif est de favoriser la collaboration avec des groupes d’agriculteurs pour promouvoir des produits particuliers, mais aussi de mettre en place une offre de formation ciblant les jeunes agriculteurs afin de développer leurs compétences et de contribuer à leur inclusion. Un autre volet du programme concerne l'accès au financement, par l'intermédiaire de prêts bancaires et de subventions. L'un de ces fonds est spécifiquement destiné aux jeunes. Une enveloppe totale de 200 000 € est allouée pour les aider à développer leurs entreprises ou créer des emplois. Les sept entreprises qui bénéficient d'un soutien – la subvention pouvant couvrir jusqu'à 80 % de leur budget total – travaillent sur des projets divers et variés, comme le développement d'une application pour mettre en relation les agriculteurs avec les acheteurs et consommateurs, ou la création d'un centre de valorisation et de transformation des produits, notamment la mangue et la noix de coco. Outre les subventions, des services de soutien au développement sont également proposés aux entreprises.
VijaBiz
Le projet a été élaboré conjointement par le CTA et son partenaire kényan USTADI après l'octroi d'une subvention par le Fonds international de développement agricole. A ce jour, VijaBiz a accompagné 166 groupes de jeunes agripreneurs des comtés de Kalifi et Nakuru, au Kenya, en les aidant à développer leurs compétences et leurs projets. L'accent a été mis sur les filières des céréales, des produits laitiers et de la pêche. En collaboration avec les autorités nationales et locales, des séances de formation ont été organisées autour du développement de l'agribusiness, de l'utilisation des TIC et du bon usage des réseaux sociaux. Le programme a aussi pour ambition de faciliter le mentorat et l'accès aux marchés afin d'offrir des opportunités commerciales et de favoriser la création d'emplois. Des subventions allant de 900 à 18 000 € seront accordées aux start-up les plus prometteuses.
BRIDGE
Le programme BRIDGE (Building Rural Income through inclusive Dairy Business Growth, Améliorer les revenus dans les zones rurales par un développement inclusif du secteur des produits laitiers) est bâti sur un partenariat entre les secteurs public et privé en Ethiopie, avec pour ambition de renforcer le secteur des produits laitiers. L'objectif est de répondre à une demande croissante des professionnels du secteur en matière de services, comme le recours à des coupe onglons pour les vaches par exemple, ou l'accès à des conseillers qui peuvent les aider à développer leur activité ou à obtenir les intrants nécessaires, dont les capitaux. Dans le cadre du programme, un groupe de jeunes a été accompagné dans son projet de création d'un service d'information privée, pendant qu'un autre recevait une formation de pareur d'onglon. Aujourd'hui, les deux tirent des revenus de leur activité. BRIDGE a mis en lumière l'intérêt des jeunes pour les perspectives d'entrepreneuriat dans le secteur laitier. De nouvelles stratégies sont donc en cours d'élaboration afin de renforcer leur rôle dans cette branche.
PEJERIZ
Le programme PEJERIZ vise à promouvoir l'entrepreneuriat des jeunes et la création d'emplois dans la filière du riz au Mali et au Sénégal – de la production à la fourniture d'intrants, en passant par le marketing et les services de conseil. Dans cette optique, il soutiendra des start-up et petites entreprises qui emploient des jeunes par le biais de formations axées sur la gestion, le financement et le crédit, tout en leur apportant un soutien technique pour la préparation du sol, la récolte et le stockage. Plusieurs de ces entreprises recevront également une aide financière, que ce soit sous forme de prêt ou de subvention.
Dix centres de mécanisation sont en cours de création en partenariat avec la Fondation Syngenta dont certains fournissent déjà des services aux jeunes entrepreneurs.
Les programmes, soutenus par le WUR et le CTA, couvrent un large spectre de domaines d'intervention pour améliorer les chances des jeunes et leur offrir la possibilité de transformer les systèmes d'approvisionnement alimentaires.
Cependant, et même s'il s'agit d'un échantillon de programmes, certains domaines d'intervention semblent passer au second plan. Ainsi, le contexte politique n'est mentionné qu'à une reprise, alors que contexte culturel, politiques ou réglementations sont quasiment absents. En résumé, l'accent est davantage mis sur l'aspect « push », notamment via un travail mené directement avec les groupes afin de promouvoir des entreprises, des activités ou des projets pilotes susceptibles d'être mis à l'échelle. L'aspect « pull » n'est pas oublié – par le biais du travail avec les universités, les organismes financiers, les entreprises et les ministères – mais il est moins présent. Trouver un meilleur équilibre entre le « push » et le « pull » pourrait être la prochaine étape pour la WUR et le CTA dans leur objectif commun de transformer en profondeur les systèmes alimentaires au profit des jeunes.
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